
L’oignon, un ingrédient de base mais également un élément phare des recettes de chefs étoilés. Découvrons ensemble comment cet aliment commence à faire partie des légumes les plus utilisés lors de la réalisation de plats sophistiqués.
Nous vivons dans une période où la polémique est permanente et où les débats sur des sujets divers et variés n’ont jamais été aussi communs. Une époque presque redondante, composée de commentateurs et d’opinions en tout genre. Une véritable démocratie numérique qui est devenue, avec l’avènement des réseaux sociaux, un lieu où nous sommes presque forcés d’émettre notre avis, et ce peu importe le sujet. Ainsi, aujourd’hui plus que jamais, le monde de la cuisine est également au centre de l’attention : que ce soit virtuellement ou même à la télévision.
Chefs, cuisiniers amateurs ou maîtresses de maison, chacun possède ses propres idées de plats, sa vision des traditions et des ingrédients à utiliser. Il existe tout de même un ingrédient qui reste commun à tous, qui n’est ni le persil ni la roquette, mais bel et bien l’oignon : un bulbe comestible provenant d’une plante homonyme. Extrêmement aromatique, cette plante est apparentée à la famille des alliacées, comprenant également le poireau, l’échalote, la ciboulette et l’ail.
Son nom scientifique est l’Allium Cepa. C’est un légume doté de caractéristiques importantes, riche en oligo-éléments tels que le soufre, fer, potassium, magnésium, fluor, calcium, manganèse et le phosphore. Il est également riche en vitamines A, B, C et E, en flavonoïdes possédant une action diurétique et en glucokinine, une hormone végétale agissant comme un antidiabétique. L’oignon contient également des enzymes qui stimulent à la fois la digestion et le métabolisme. Mais l’oignon possède aussi des propriétés antibiotiques, expectorantes et diurétiques. Il contribue au bien-être des reins et du système cardiovasculaire, ainsi qu’au rétablissement de la flore intestinale. Certains prétendent même que l’oignon aurait des propriétés aphrodisiaques ou qu’il permettrait de stimuler la pousse des cheveux et de rendre la peau plus douce. Cependant, il y a quelques petits effets secondaires car, olfactivement parlant, nous savons bien que l’oignon ne possède pas un parfum particulièrement délicat.
Outre les caractéristiques et les vertus de ce légume, il est bien connu que lorsque nous coupons ce légume, nous avons tendance à pleurer. Mais pourquoi pleurons-nous en coupant un oignon? Ce phénomène est dû à des molécules qui contiennent un ou plusieurs atomes de soufre : les sulfures organiques. En coupant l’oignon, les sulfures organiques se mélangent avec une autre substance appelée l’enzyme alliinase, capable de dégrader les acides aminés volatils qui sont à l’origine inodores. En réagissant avec l’eau recouvrant la cornée, ces derniers se transforment en acides principalement sulfuriques et sulfureux. Comme ce sont des substances corrosives, l’œil essaye de s’en débarrasser en activant les glandes lacrymales. Quelques remèdes pour éviter ce phénomène ? Tout d’abord, le couteau doit être bien affûté afin de ne pas trop endommager les tissus, permettant ainsi d’éviter une émission d’enzymes trop importante. De plus, la lame du couteau doit être humide. Il est ensuite préférable de couper l’oignon directement sous l’eau ou de le tremper dans un mélange d’eau et de vinaigre après l’avoir épluché et coupé en deux. Cependant, en procédant ainsi le goût de l’oignon sera moins prononcé. Il est aussi possible de conserver ses oignons au congélateur pendant un quart d’heure avant de les couper.
L’oignon est un ingrédient (presque) essentiel en cuisine et est répandu dans le monde entier. En Italie, il existe au moins une vingtaine d’espèces différentes : les fameux oignons rouge de Tropea, l’oignon de Giarratana, l’oignon Borettana dans la région d’Émilie-Romagne, l’oignon Ramata di Montoro, celui de Brunate, des Banari en Sardaigne, de Vatolla dans le Cilento ou l’oignon rouge de Cavasso Nuovo de la région de Pordenone. Qui dit ingrédient de base, dit ingrédient souvent malmené. Généralement utilisé sans critères absolus ni grande élégance. Nous possédons tous l’image de la traditionnelle soupe à l’oignon, un véritable plat du terroir, patrimoine de la cuisine française. Mais l’oignon est également au centre des débats et discussions quant à son utilisation dans les pâtes italiennes à la carbonara ou all’amatriciana, auxquelles d’ailleurs, il ne faut absolument pas l’ajouter.

Puis, si nous nous aventurons désormais dans le monde de la cuisine gastronomique, nous pouvons retrouver de grands chefs qui, avec un aliment aussi commun que l’oignon, sont parvenus à créer des plats qui sont rentrés dans l’histoire. Parmi eux, l’un vient tout juste d’obtenir sa deuxième étoile au guide Michelin au moment même où nous écrivons cet article, tandis qu’un autre a véritablement atteint les cieux et possède déjà 3 étoiles. L’un des autres chefs ayant réussi cet exploit compte à juste titre, parmi les plus grands chefs italiens.
Mais quels sont les plats que ces chefs sont parvenus à réaliser avec de simples oignons ? Commençons par le chef qui vient de décrocher sa deuxième étoile Michelin. La pandémie actuelle ayant contraint le célèbre guide Michelin à tenir sa cérémonie de façon virtuelle, c’est le 25 novembre dernier que Davide Oldani, inventeur et porte-drapeau de la célèbre cuisine « pop » a appris en direct qu’il devenait l’un des trois chefs italiens atteignant les deux macarons, dans le classement tant convoité de cette année difficile. Il est parvenu à créer l’un des plats les plus emblématiques de ces vingt dernières années. À la base de ce plat, bien sûr, nous retrouvons l’oignon : caramélisé avec une sauce chaud-froid Grana Padano. Il a fait rêver les palais les plus raffinés. Le chef a ensuite raconté comment est née l’idée : c’était à Londres, lorsqu’il travaillait chez Gavroche. Inspiré par une tarte tatin, il décida de travailler un légume au lieu d’une pomme ou d’une poire, en expliquant que la fibre de l’oignon rendait cet aliment idéal pour cette recette. Une recette qui a d’ailleurs évolué au fil du temps, avec l’élimination de la truffe noire, un ingrédient que le chef ne considérait pas assez « pop ». Il décida ensuite d’associer ces aliments avec de la crème glacée et une sauce chaude au fromage.
C’est ainsi que l’on obtient une harmonie équilibrée composée de contrastes : sucré et salé, chaud et froid, moelleux et croquant. Une autre grande figure de la cuisine italienne, un homme qui, à 60 ans et après près de quarante années d’apprentissage de la haute cuisine en autodidacte, a eu l’opportunité d’effectuer une semaine de stage au Pavillon Ledoyen de Yannick Alleno. Le « cuisinier de campagne », comme il aime se définir, est Salvatore Tassa : le chef des Colline Ciociare di Acuto, dans la province de Frosinone. Après avoir repris le restaurant familial, il a réussi à obtenir une étoile Michelin. Engagé personnellement dans une démarche de développement durable, banissant les plastiques, le sous-vide et les produits artificiels, c’est un chef qui aime et respecte sa terre. Il déclare : « Ma cuisine parcourt les sentiers tracés par la nature, à travers sa simplicité, ses couleurs et ses sons… Mes plats sont l’expression de ce qu’il me reste au fur et à mesure que je marche le long de ces sentiers… ». Et parmi les plats de ce chef, se trouve l’étonnant oignon fondant. Depuis 1990, c’est une proposition ingénieuse et légendaire, hors du temps mais toujours actuelle : intense, épicée, presque comme une soupe mais avec une consistance plus crémeuse.
Et que dire encore de Niko Romito? Une légende parmi les chefs italiens, un autodidacte originaire des Abruzzes, profondément attaché à sa terre. Il a commencé en travaillant dans l’ancienne pâtisserie familiale pour se retrouver, en seulement sept ans, au sommet de la cuisine italienne en possédant trois étoiles au guide Michelin dans son établissement Reale à Casadonna : un ancien monastère du 16ème siècle situé à Castel di Sangro. Formateur compétent, toujours à la recherche de nouvelles saveurs et ayant obtenu le prix Michelin du meilleur chef mentor lors de la dernière édition, il se concentre sur les éléments essentiels et indispensables de ses plats. C’est ainsi qu’a été conçu son chef-d’œuvre de 2009 : l’absolu d’oignons au parmesan, safran toasté et boutons de pâtes. Ce n’est pas un bouillon, mais bien une extraction totale de matières premières. Ce sublime safran provient de la plaine de Navelli dans la région de l’Aquila : les pistils sont légèrement toastés afin que la couleur du liquide ne change pas et que les arômes restent entiers. Le fromage, un ingrédient tout aussi noble, apporte également beaucoup de goût. Des saveurs distinctes qui alternent de façon élégante et claire, dans une harmonie gustative totale. Et tout ça, c’est de l’oignon.